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Pourquoi peindre ?

Je suis tombé dedans dès mon plus jeune âge, mais pour être précis, il s’agissait du dessin. Enfant doué, j’ai surtout imaginé et dessiné des aventures sous forme de BD. Plus tard, j’ai découvert, fasciné, la peinture chez les autres, et non des moindres :

DE STAËL (son oeuvre tardive), MOTHERWELL (ses peintures-collages), CY TWOMBLY et TÀPIES (tout!), ALECHINSKY (son tracé pictural agile et rapide, couplé à sa composition « à remarques marginales »), MATISSE (avant tout ses papiers découpés), la vibration lumino-coloriste de BONNARD, les estampes et les sculptures tardives de CHILIDA, les appliqués sur toile des KUBA (Congo), les subtiles taches-objets japonisants de JULIUS BISSIER, l’art calligraphique – les encres en général – des Chinois, Japonais ou Coréens, etcetera… et beaucoup plus récemment, l’époustouflante peinture de PIA FRIES !

Beuys dit quelque chose comme « peindre, c’est libérer le mystère intérieur et lui donner forme ». C’est le moteur, la raison pour laquelle je peins : je cours après quelque chose d’insaisissable, Bram Van Velde dit que « peindre c’est chercher le visage de ce qui n’a pas de visage ». C’est, pour moi, le regard intérieur qui produit ce qu’on nomme « peinture », quel qu’en soit le thème, sujet ou motif.

Un parallèle s’impose à moi avec  ma passion musicale : ce qui me fascine, en particulier, chez les pianistes de Jazz, c’est leur travail sur les « voicings» (choix de notes pour un accord) intégrés à l’articulation mélodico-rythmique (*). Similitude avec la peinture quant au choix d’une couleur, mais aussi de sa forme, de sa texture, de sa transparence, de son opacité, etc. Une partie importante du travail de plasticien ou de musicien consiste à faire « sonner » un accord pictural ou musical  et de l’inscrire dans un ensemble –  à travers une articulation propre à chaque artiste.

A propos de ma démarche picturale, voir le DVD réalisé en 2014 par Philippe Schaffter, « Claude-Alain Dubois, Peintre ».

(*) Deux exemples:
  • La palette sonore composée par une suite de voicings très singuliers crée un univers étrange et inédit dans « Crepuscule with Nellie » du pianiste-compositeur Thelonious Monk, version extraite de l’album « The Thelonious Monk Orchestra at Town Hall » (1959). Sur ce même album, l’on trouve une autre composition emblématique de Monk, « Little Rootie Tootie », avec une coda qui est une extraordinaire transcription pour Tentet d’une improvisation de ce même morceau par Monk, enregistrée en trio en 1952 : cette transcription restitue parfaitement le monde sonore unique de Monk, harmonie/accords/dissonances avec cette articulation rythmique très particulière de la mélodie.
  • Aux antipodes de Monk, dans « Improleaves», le trio du pianiste Enrico Pieranunzi  (extrait de l’album « Live in Japan », CD 1, 2004) improvise autour d’un thème énoncé de manière allusive (« Automne leaves », autrement dit « Les Feuilles mortes »), incluant un espace sonore parsemé de silences mêlés d’accents rythmiques et tempos variés, de progressions harmoniques et d’une mélodie facétieuse (l’auteur des liner notes de l’album parle d’une « abstract expressionist suite », faisant clairement allusion à ce mouvement pictural américain).